Elle est une parfaite méchante, version féminine du Frank Underwood de House of cards. À cette réjouissante incarnation, elle ajoute une éblouissante performance vocale.
Dès sa première aria, aria di tempesta s’il en est, « L’alma mia fra le tempeste », elle emporte le morceau, rivalisant avec le hautbois solo acrobate de Philipp Mahrenholz, puis avec des trompettes fringantes. Ornements virtuoses, fougue dévastatrice, elle enchaîne avec gourmandise les coloratures, traversant toute sa tessiture à grandes enjambées vocales.
Mais dans d’autres airs, tel « Tu ben degno » c’est la chaleur du timbre, la souplesse des phrasés, la beauté du registre grave, qui sont mises en valeur, un dramatisme suggéré uniquement par les couleurs de la voix. De même dans « Non ho cor che per amarti », ponctué de trilles d’une légèreté insaisissable.
L’aria sublime
Mais l’air qu’on attend, le moment phare de cet opéra, c’est bien sûr l’aria « Pensieri, voi mi tormentate », dont le pathétique stupéfie, premier essai dans ce registre d’un Haendel de vingt-quatre ans.
Que dire de cette cantilène, de cette longue arabesque vocale, d’une tristesse térébrante, où Anna Bonitatibus est au-delà du beau chant, de la fureur des deux parties allegro, de l’interminable silence qu’elle ose au centre de l’aria, plongeant l’auditeur dans l’angoisse avant le retour de la plainte douloureuse, partant de l’extrême grave pour monter jusqu’au plus aigu (avec le hautbois), bifurquant vers un récitatif introverti avant de s’enflammer à nouveau et de mourir sur les accords implacables de l’orchestre à nouveau.
Sublime moment.
Anna Bonitatibus en majesté
— FORUMOPERA.COM | Charles Sigel 25.03.2025